Il fait enfin jour. Mais pour combien de temps encore? Voilà une question des plus pertinentes, surtout sur Ranaghar. Remarque, je n'ai pas de raison de me plaindre. Mon ancienne vie de ténèbres et de sang pourrait presque me sembler un passé révolu si je n'en avais pas encore toutes ces marques, tous ces réflexes plus instinctifs qu'autre chose. Combien de fois n'avais-je pas frappé d'autres membres d'équipages simplement parce qu'ils m'avaient surprise, se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Oui, j'étais mieux sur ce navire mais malgré tout, je n'y étais pas à ma place pour autant. En avais-je seulement une qui m'attendait quelque part?

J'en étais là de mes réflexions lorsque mes yeux tombèrent sur ce que je cherchais. Un étal plutôt bien rempli, de potions et d'onguents divers et variés, auxquels se mêlaient d'autres ustensiles indispensables à tout bon nécessaire de premiers secours. Le bateau commençait à manquer de matériel, entre autre par ma faute. Ma convalescence et les soins nécessaires à mon parfait rétablissement avaient cruellement vidé ce dernier de ses réserves alors j'avais décidé, avec l'accord du capitaine, de descendre refaire le plein.

Je venais de terminer mes achats et je prenais le chemin du retour, le regard systématiquement fixé sur mes pieds, comme l'on m'avait si bien appris à le faire. Courber l'échine, obéir et se taire. Pour survivre. Et c'est là que je l'ai entendu. Ce mot. Cerbère. J'ai frémis, sans ralentir l'allure tandis que devant moi, deux hommes venait m'intercepter, pour le moment de façon plutôt amical à la vue des lieux alentours.

- Eh, je te connais toi. T'es Cerbère! Depuis quand tu te promènes librement comme ça?

"- Je ne sais pas de quoi vous parlez. "

Mon aplomb ainsi que mon regard froid et mon attitude neutre eurent raison de sa verve sur l'instant et déjà, je reprenais mon chemin. Cerbère. Comment pouvais-je croire que les gens m'oublierais aussi facilement? Ici, tout se monnaie. Et je ne doutais pas que certains anciens parieurs ou 'Maîtres-chiens' seraient ravis de me remettre la main dessus, maintenant que j'étais réparée. Je les entends dans mon dos, je sens leurs regards avides. Ils vont me suivre. Mais je ne leur ferais pas le plaisir de courir. Ils ne me font pas peur. Alors, je poursuis mon chemin, sans plus me soucier d'eux mais prête à tout, même à un traquenard. La confiance et moi n'avons jamais fait bonnes copines.