A Etrise, dans ce village égaré, on t'accusait de tous les maux. On louait Solorin de te bénir & parfois, tu le priais toi-même pour qu'il accepte d'en finir avec ta désolante carcasse. Avec toute ta piété, tu priais et priais, encore et encore, toujours et encore, ce pauvre immortel qui n'en avait que faire de toi.

T'as toujours été misérable, Pinocchio. On ne te nommait point, ne t'adressait ni prose ni œillade ; pas même l'estime de faire face à quelque chose d'humain. Non : tu étais une vermine qui ne valait pas mieux qu'une petite merde. On s'accordait tous à t'ignorer car il valait mieux pour quiconque d'éviter le semblant de culpabilité, de pitié, qu'on aurait pu ressortir quand on te regardait. Pitoyable gamin, personne ne voulait te conter, ces mots-ci & ces mots-là. Personne ne t'aimait ; y'avait vraiment pas de quoi. Ah, Pinocchio, Pinocchio, Pinocchio c'est ce Pinocchio, l'esseulé, le méprisé ! On t'avait sans doute égaré avec toute l'intention de te voir crever. Malheureusement, soit ils étaient abrutis, soit c'est toi qui n'étais pas assez débile.

Enfant abandonné, enfant envoyé par-ci & par-çà, ta carcasse pourrissait de jour en jour, mal nourrie, mal bichonné, complètement éventrée. On pariait sur le temps que tu mettrais à t'écrouler. Une chance sur deux. Et ils ne l'ont même pas eu.

Tu avais beau être trop pauvre, trop petit, trop chétif, tellement pauvre, tellement petit, tellement chétif, tu continuais avec pugnacité à maintenir en vie la seule chose que tu possédais : ce corps. Cette déchetterie qui polluait ces Terres Saintes. Que mère Nature te pardonne, tes décadences & toi ! C'est triste à constater, mais même toi tu te demandais s'il ne valait pas mieux que tu crèves. Là, comme ça, l'air de rien, sur cette terre aussi leste que toi.

Et puis, ce bon samaritain t'a tendu sa main. Tu l'as regardé, l'air affamé, & t'as failli lui bouffer sa putain de main, à ce prestigieux gentilhomme. Le faciès dégoûté, envenimé par le rejet, il t'a écrasé. Littéralement piétiné. Tout le désarroi qui te caractérisait faisait de ce portrait une tragédie sans impose. Il riait. Beaucoup plus qu'il ne le devait.

A toi aussi, ça t'a fait sourire.
Car tu te disais que tu t'étais frotté à la mauvaise personne. Et que t'allais tout bonnement pourrir sous sa gueule.



Évanoui, sans doute délaissé dans ce vieux village paumé, t'avais fini par enfin percuter que t'aurais jamais pu jouir proprement de ta vie.

T'avais vraisemblablement oublié qu'il t'avait tendu sa main. Et t'avais pleuré, tellement chialé comme une fillette quand tu t'es réveillé ;

En vie.

Avec ces mêmes poumons qui luttent déjà depuis huit ans. Avec ce cœur qui continuait de résonner.

Boom,
Boom,
Boom.


En vie.

• Dans ses premières années d'existence, il avait bel et bien un nom propre à lui. Malheureusement, plus personne n'est là pour s'en souvenir : pas même lui. Baptisé, fils désiré, c'était le cadre monotone. Quand sa famille a retrouvé Alphégias, les membres ont tous disparu, mis à part Pinocchio. Des pirates à ce qu'il parait.
  
• Comme mentionné dans son histoire, Pinocchio se fait recueillir par Saad (qui voulait juste purement lui latter la gueule en vrai). En premier temps, ce n'était donc pas pour le divertir, mais les choses ont tourné ainsi. Ensuite, il a fait de lui son larbin mais Pinocchio ne s'en plaint pas.
  
• D'ailleurs, Pinocchio c'est le nom que Saad lui a donné car l'enfant a une sale manie de mentir, & d'être trop docile à la fois (quand bien même il s'est rebellé ces derniers temps ; c'est l'adolescence quoi). Depuis, il le porte comme une fierté, même s'il sait le vice qui s'y tapit.
  
• Il se permet toutes sortes de fantaisies car il sait qu'il est bien protégé.
  
• bref.