Quand on t’as demandé quelle arme prendre, tu as choisi la massue. Quand on t’a regardé, les yeux ronds, pensant que tu choisirais une arme plus noble tel un katana, ou un arc à la rigueur, tu as répondu qu’un empereur devait incarner la force de son empire. Qu’il devait par conséquent écraser ceux qui s’opposaient à lui avec une telle force que nul autre n’oserait s’élever face à lui par peur d’être frappé du même sort. Ton père avait éclaté de rire, approuvant tes dires alors que le malaise se faisait sentir dans la cour. Tu avais 12 ans.

Parce que la première chose qui te caractérise, c’est que tu es précoce Chouchou (me regarde pas comme ça, je sais que tu déteste ce surnom et c’est pour ça que j’adore t’appeler comme ça). Niwang à tes sept ans, lorsqu’il est parti, la mort de son père à ses treize ans, et l’éloignement d’avec Yokumune qui a du en résulter… les êtres qui te sont chers s’en vont invariablement pour une raison ou une autre. Du coup, tu le cache, mais tu es un couard. L’Empereur a peur de tisser de nouveau des liens, et surtout peur qu’on les lui arrache. Faites comprendre à un enfant d’à peine sept ans que celui qu’il s’amuse à appeler grand frère doit s’en aller parce qu’un putain de serpent lui a grimpé sur les épaules. Faites comprendre à encore un pré-adolescent, du haut de ses treize ans, qu’il ne reverra jamais son père. Puis que sa meilleure amie ne peut plus être sa meilleure amie. Parce qu’il est l’empereur, maintenant. A treize ans à peine.

Trop jeune pour régner. Trop vieux pour être épargné. Un entre-deux infernal qui a fait de toi un reclus, confiné aux murs du palais impérial, de la cité au mieux quand le besoin d’air se faisait trop ressentir. Ton père te parlait souvent de t’emmener en voyage pour tes seize ans, quand ton alter-ego se serait manifesté. Un an durant, il aurait abandonné ses responsabilités, laissant la régence du royaume à son second, pour t’offrir une sortie dans son empire, ton héritage. Nul besoin de dire que ça n’a jamais eu lieu.

Mais ça a fait de toi un puits de connaissance. Tu as passé le plus clair de tes journées jusqu’à ton couronnement officiel à étudier. Politique, finances, étiquette, histoire, tout ce qu’un empereur se devait de savoir, on te l’a inculqué en cinq ans, là où ton prédécesseur avait eu jusqu’à ses trente ans pour tout apprendre, et devenir un empereur convenable. Tu as tout appris, y compris le maniement des armes, seul. Tu as développé le goût de la solitude, a refusé la main tendue de la première de tes gardes par pudeur, et par rancune, tu as choisi d’effacer pour un temps celui destiné à devenir ton second de ton esprit.

Tu as aussi très vite compris que la domestication des dragons devait être institutionnalisée. C’était ton premier haut fait en tant qu’empereur ça, pas encore assez âgé pour régner, mais avec déjà assez d’influence pour provoquer ça et là certaines choses. En l’occurence, la périoide pré-couronnement comme on pourrait l’appeler, a été marquée par l’ouverture de l’institut d’étude des dragons… malgré tout, tes pouvoirs étaient encore très limités à l’époque.

Il n’empêche qu’à tes seize ans, tu as développé un singulier goût pour les arts médicinaux, encouragé par l’apparition de ton alter ego. Les chouettes étant symbole de connaissance, tu as certainement fait un amalgame de façon inconsciente. Reste que sans être un expert, tu restes capable de produire des remèdes relativement efficace. Quelque part, tu aimerais que l’histoire te retienne comme un empereur guérisseur, officier ton art au sein du palais impérial, mais tu te doute que ça ne restera qu’un doux rêve.

Mais tout ça nous emmène au point suivant : tes études ont fait de toi un empereur jeune mais accompli certes, et tu as appris ce qui te manquait en observant ta mère et le second de ton père. Tu comprends la politique d’isolement de ton pays, mais ne peut t’empêcher de penser que les choses doivent changer, que l’ouverture est nécessaire. Mais tu te doutes aussi que si, peut-être, tu pourras initier le changement, une véritable ouverture ne se fera pas avant quelques générations de Liang supplémentaires.

Tu fais de ton mieux pour être droit et juste. L’argent de l’empire, au grand dam de bien des notables, ne doit pas selon toi être utilisé pour l’enrichissement personnel mais au développement de ce qui est déjà établi, pour aller de l’avant, faire avancer Kwaïdan. Mais tu es aussi à l’image de ta massue : sans pitié. Tu poses un regard froid, presque cruel sur les gens qui se présentent devant toi, presque malgré toi, tu inspire la peur. Tu n’hésite pas à en venir aux mains pour faire entendre ta voix, même si ça reste rare. Tu n’hésite pas non plus à te salir les mains, ou à tremper dans l’illégalité et le secret pour faire avancer ton pays.

Chu-Jung Liang, tu es empereur. Tu es jeune, et conscient de grandement manquer d’expérience. Tu es un grand enfant aussi. Tu le cache, mais un rien pourrai t’amuser si tu te laissais aller. Et plus que tout, tu es curieux. Tu veux trouver, comprendre, savoir, justement parce que tu es inexpérimenté. Et même si parfois tu n’as pas l’air d’agir pour elle, ta patrie compte plus que tout. Tu es l’empereur de Kwaïdan, tes cheveux corbeaux témoignent de la pureté de ton sang, ta corne de ton hérédité impériale. Tu es empereur, et tu compte marquer au fer rouge l’histoire de ton pays.