Othys est une fille. Du moins c'est ce qu'on pourrait se dire au premier coup d'oeil, jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche.
Son masque, qu'il porte invariablement quand il est de sortie, cache un regard en permanence baissé, et ses traits fins aurait de quoi charmer. Il est légèrement musclé mais sans excès, comptant plutôt sur sa rapidité et son agilité à défaut d'avoir une constitution plus forte. Malgré ce que quelques préjugés hatifs pourraient laisser croire, il n'a rien d'un poltron efféminé, son attitude habituelle laissant plutôt penser qu'il est soit dédaigneux soit mortifié à l'idée de parler en public. Othys est discret et ne veut pas que vous voyez clair en lui.

C'est une personne assez timide ; il semble en permanence sur une corde raide, concentré sur ses actes et ses paroles pour ne laisser passer aucune erreur. Il est discret, faisant son possible pour demeurer transparent. Dévoué - servile diraient certains- , ponctuel à l'excès et invariablement dans l'ombre de quiconque emploie ses services à ce moment-là, il est rare de le voir esquisser un sourire. Ses valeurs chevaleresques, quand à elles, semblent venues d'un autre âge.

Son "handicap" n'est bien sûr pas visible sauf si on sait ce que l'on cherche, mais il complexe énormément le chevalier qui, après plusieurs années de brimades et de frustration, a fini par ressentir une aversion envers la magie. Il préfère le confort des armes, qu'il estime plus fiables.



A Sol Falena, l'on parle encore d'une histoire fort étrange, il y a quelques années de cela. En effet, un enfant, pourtant fraîchement baptisé serait resté sans aucun pouvoir, bien des semaines après la bénédiction supposée lui offrir ses dons de magie. Il fut évident dès les premiers instants que la magie ne coulait pas, ou peu, en lui.  La famille se voila les yeux pendant un certain temps mais de semaines en semaines, la rumeur se transforma en incident sérieux : le cadet, désormais adolescent, n'avait toujours aucun pouvoir. La pire honte que la famille Revas pouvait ressentir ; l'absence de pouvoir est l'apanage des esclaves, pas celui des nobles!
Bien vite, on le prit pour un attardé, un enfant qui n'avait pas les mêmes capacités que les autres. Le bruit courait qu'il était inapte; pour ne pas recevoir Sa bénédiction, il devait avoir commis quelque ruse lui valant les foudres de Solorin.

Donc, le statut d'Othys devint celui d'un infirme. Statut qu'il n'avait jamais convoité - et cela, son père ne le savait que trop bien. Il voulait être un chevalier, parcourir les monts et les rivières, se battre pour la fierté de son royaume. Malgré les menus problèmes qu'il leur causait, son père ne pouvait se laisser aller à le haïr, car il le voyait, chaque matin, se lever plus tôt que tout le monde, passer sa vie à renforcer son corps, à essayer de faire manifester sa magie par mille et un moyens différents. Son père savait à chaque point sa condition était une torture pour son enfant.

Othys vécut près d'une année ainsi. Il devint une belle personne aux traits fins, agile, à la force convenable. Mais il restait Othys l'infirme. Son père compatissait à son sort, semblait-il, et devait y voir autre chose qu'une malédiction. C'est pourquoi il l'autorisa, malgré les protestations de sa mère, à quitter le domicile familial un beau jour pour aller s'enrôler en tant que chevalier.
Il n'était plus l'infirme. Il était Othys, et il s'en allait.