La cité impériale de Ji, principalement connue pour être le domaine... Eh bien, de la famille impériale, était un lieu avec une connotation presque sacré, religieuse même. Pour les habitants de la cité principale, c'était un lieu de silence, un endroit inaccessible auquel ils ne pourraient jamais avoir accès de toute leur vie. Un rêve auréolé du si agréable goût du mystère.

Nul n'avait conscience de ce qui se jouait dans cette ville au sein de la ville, les jeux de pouvoirs, les coups bas, les alliances qui se faisaient et se défaisaient, entre familles, et même au sein des familles en elles-mêmes. Oh oui, Ji elle-même n'était en réalité pas sure pour le siège du pouvoir Kwaï, il n'empêchait que l'Empereur, en la présence de Chu-Jung pour cette génération, aimait cet endroit autant qu'il aimait son pays... après tout, c'était là qu'il avait grandi. C'était son monde. Mais il n'empêchait qu'il y avait des moments où... où tout était trop.

La pression liée à sa position d'empereur, le deuil qu'il n'avait jamais vraiment fait de son prédécesseur à défaut d'avoir pu voir son corps, les jeux de pouvoirs. Il... il n'avait jamais été prêt, quelque part. Il était compétent, mais il ne s'estimait pas bon. Pas à la hauteur des attente qui avaient été placées en lui. Alors parfois, quand la pression devenait trop dure à gérer, il disparaissait. Très tôt le matin, toujours avant l'aube, avant que tous soient réveillés, au nez et à la barbe de sa garde (enfin, c'était ce qu'il s'amusait à croire, il se doutait bien qu'au moins Yokomune ou Iven étaient toujours à le surveiller d'une façon ou d'une autre) il sortait de ses appartements, pour se retrouver dans une des nombreuses cour intérieures du palais impérial. C'était dans cette cour qu'il avait passé le plus clair de son temps à apprendre le maniement des armes avec son oncle Chu-Rahn, le petit frère de son père... Sabre, bâton, arc même, sans être un maître, il pouvait utiliser toutes ces armes. Mais sa préférence était toujours tournée vers la masse.

L'arme, lourde, avait toujours semblé trop lourde pour que quelqu'un de son gabarit la soulève avec la facilité apparente dont son propriétaire faisait preuve, pourtant, une fois l'empereur torse-nu, on comprenait. Dans son emploi du temps infernal, il trouvait encore le moyen d'entretenir son corps. Fin, mais musclé, il soulevait à une main la redoutable arme, la faisant voler dans les airs, se laissant emporter par son poids pour mieux retomber, fracasser, détruire, écraser. Oui, la masse reflétait bien l'idée qu'il s'était fait d'un empereur de Kwaïdan : suffisamment fort et armé pour écraser quiconque se mettait sur son chemin, et laisser une marque, indélébile, qui servirait d'avertissement aux suivants.

Il n'avait pas d'adversaire, mais c'était là sa façon de se défouler, de laisser partir un peu de pression. Il ne s'arrêta ce matin que comme tout les autres matins : avec le levé du soleil, le haut de son kimono pendant sur ses côtés, en sueur et assit contre un mur... après tout, qui pourrait bien le voir à cette heure, à un endroit aussi isolé du palais ?

Ce matin encore, avant même que les premiers rayons du soleil n'aient commencé à réchauffer de leur lueur bienveillante la cité et à la sortir de sa torpeur, il s’est levé et dirigé vers cette cours où il s’est entraîné de si nombreuses fois. Pense-t-il réellement le faire à notre insu ? Si je ne saurais assurer la même chose pour chacun des gardes du palais, il devrait se douter que pas un seul de ses déplacements ne se fait sans que j’en sois informée. Mais, malgré ses efforts pour le dissimuler, je sais à quel point sa position pèse lourd sur ses épaules, et si ces moments de solitude et de défoulement lui font du bien, je les lui laisse de bon cœur. Silencieusement, je l’ai suivi à bonne distance jusqu’à son aire d’entrainement et je l’observe maintenant avec intérêt manier son arme pataude.
    Ma préférence personnelle s’est toujours portée vers les armes tranchantes, en particulier le katana, si caractéristique de notre culture kwaï. Ce sont des armes élégantes, légères et raffinées. Tout l’opposé de cette monstrueuse masse sur laquelle il a jeté son dévolu. Néanmoins, quand je la vois entre ses mains, je me rends compte qu'elle lui convient bien. Il la manie avec la même poigne de fer que celle qu’il a imposée au pays et elle reflète bien l’idée qu’il semble avoir du rôle qui lui incombe.
    L’aisance avec laquelle il fait décrire d’amples mouvements à l'imposante massue ne cessent de m’impressionner. Ceux qui le connaissent mal auraient tendance à le sous-estimer de part son jeune âge et auraient tôt fait de le regretter. Si je devais tomber en le protégeant, je sais que je ne laisserai pas derrière moi un pauvre petit empereur frêle et sans défense, mais une machine à tuer tout à fait capable d'assurer sa propre survie.

Le soleil se lève à l’horizon, signalant que l’entrainement est terminé. Une fois n’est pas coutume, je décide de le rejoindre, faignant d'être surprise par sa présence en ce lieu.

Bonjour, Empereur. Alors, on vient voir le soleil se lever ?

Je ne peux retenir un léger gloussement.